Dans la joie et la bonne humeur

 (ou comment cultiver un hélicobactère pylori)

2011

100 tableaux de une minute, chaque tableau apportant un indice et étant en relation avec les autres tableaux, pour, au final former cinq parcours d’acteurs personnages. Je sais aussi de quoi je veux parler, du monde du travail et d’organisation capitaliste de la société. Je pense et j’ai envie d’écrire un texte volontairement à charge contre ce système de société mais en y ajoutant comme à mon habitude une dimension absurde et burlesque qui doit faire balancier avec ma fureur de tout cela, mon envie de pleurer avec les familles des suicidés de France Télécom par exemple.
Sylvain Levey

De Sylvain Levey
Mise en Scène : Pierre Vincent
Avec : Michel Aymard, Nathalie Bastat, Valérie Lombard, Pascale Poirel, Didier Sipié
Dramaturgie Pascale Grillandini
Création costumes : Chantal Hocdé
Création son : Pierre Laqueyererie
Création Lumières Denis Rion
Musique :
Images : Denis Verdier

La rencontre

Le temps allié de la cohérence…

Lorsqu’en septembre 2007, les enseignants du collège Françoise Dolto de Villepinte choisissent, parmi ceux que nous leur avions proposés, le texte de Sylvain Levey : Ô ciel, la procréation est plus aisée que l’éducation, nous ne connaissons pas grand-chose de Sylvain Levey si ce n’est que ce texte fait l’unanimité au sein de l’équipe d’Issue de secours.
Les comédiens le travaillent avec une classe de 4ème qui, en avril 2008, offre à un public de parents et d’élèves un tableau de la famille d’aujourd’hui à la fois brut, tendre et drôle.
Nous proposons ce texte aux participants des ateliers de théâtre amateur adultes et enfants. Certains choisissent de le travailler.
Au sein du comité de lecture mensuel de la Ferme, son texte Alice pour le moment est choisi parmi trois, lors du comité d’avril 2008.
Lors de sa rencontre à la Ferme avec la classe de 4ème à l’issue des représentations, les mots s’échangent, un repas à la Ferme aussi et une évidence à cette rencontre, à la croisée de l’artistique et de l’humain.

Nous avons alors souhaité accueillir Sylvain Levey. Ni pour l’asservir à une action, ni pour le laisser créer tout seul, non, pour qu’il soit à côté de nous et qu’il nous accompagne dans notre démarche de mise en valeur de l’écriture. Une parole différente qui se complète ou s’oppose à la nôtre et qui crée le dialogue. Sa résidence à la ferme a duré 10 mois, de janvier à octobre 2009, dans le cadre des résidences de la région Ile-de-France.

A propos du texte

Dans Dans la joie et la bonne humeur ou comment cultiver un hélicobactère pylori’, il s’agit d’entraîner le spectateur dans une spirale de mots, de dialogues vifs et de scènes courtes, il s’agit de lui faire croire jusqu’au bout qu’il est en train d’assister à une « bonne » comédie, bien écrite parce que bien « enlevée », avec des répliques « bien trouvées ». Il faut faire croire au sitcom, à l’émission de variétés presque. Aux plateaux et costumes des séries télé. Il faut jouer avec cette illusion, s’amuser des effets produits tout en sachant qu’on amène le spectateur vers le sordide, le drame, le cynisme. Je reprendrai un titre de texte que j’ai écrit il y a trois ans avec mes compagnons d’écriture Philippe Malone, Michel Simonot et Lancelot Hamelin « l’extraordinaire tranquillité des choses ». C’est à dire comment la dramaturgie du texte reprend ce qui se met en place « tranquillement » (ici synonyme de sournoisement) depuis le début des années quatre vingt, ce qui se met en place et qui trouve sa forme là, en ce moment, c’est la dictature de l’économie, la perte de la pensée au long terme au profit du court terme, l’atomisation de recherche de sens et donc du désir de toujours remettre en cause notre façon de vivre.
Et si finalement, dans ce canapé mou de la pensée nous n’étions pas si malheureux ? Et si le fait d’avoir un IPhone suffisait à tenir jour après jour ? Ce texte reflète cela. Cinq acteurs pour des dizaines de personnages, des parcours qui se croisent, des destins qui s’entrechoquent. 100 tableaux de une minute comme un programme court, juste un bon divertissement avant le journal de vingt heures et ses relents anxiogènes.

Ce texte est le deuxième volet d’un triptyque sur le monde du travail. Le premier texte Avec un grand Fest une commande de la compagnie L’hiver nu. Le deuxième texte Dans la joie et la bonne humeur ou comment cultiver un hélicobactère pylori est une commande dans le cadre de ma résidence à la ferme Godier et mon travail en commun avec la compagnie Issue de secours depuis plus d’un an maintenant. Le troisième volet asphalt jungle II’ est une commande du Théâtre du rictus (Nantes). Sylvain Levey

A propos de la mise en scène

Je ne sais pas si c’est l’aboutissement d’une rencontre, ou le départ d’une collaboration plus fructueuse encore avec Sylvain Levey, mais ce que je sais, c’est que je reçois son texte comme un cadeau pour ma compagnie.
Son écriture vive et tranchante touche. Sylvain a cette façon de dire des choses graves avec une « légèreté » qui fait mouche.
J’ai souvent ri en lisant sa pièce, de ce rire qui devient une heureuse insurrection contre l’hypocrisie de certains pouvoirs, de ce rire qui réveille et nous sort du somnambulisme.
Sa pièce fonctionne tel un antidote à la contemplation du malheur.
Elle invite à regarder avec une lucidité accrue la société dans laquelle nous évoluons.
Elle dessine le tissu des relations sociales – enchevêtrement de stratégies de survie qui pourrait ressembler à un immense champ de bataille si cette notion n’était par trop restrictive (chacun est complice par moments du système qui le broie).
Elle interroge sur la destruction progressive du capital social de notre société.
Dans ce monde en crise, l’individu démuni s’atomise.
Il est important, essentiel pour moi de mettre en scène cette écriture car non seulement elle interroge notre société dans son fondement, mais elle interroge aussi la théâtralité.
L’écriture de Sylvain Levey questionne le personnage de théâtre dans sa fonction qui devient, sous sa plume, personnage/acteur. Les deux facettes de cette entité se nourrissant l’une de sa fiction, l’autre de sa réalité, une tension constante invente « l’être là » dans l’espace.
J’imagine comme une improvisation où l’acteur/personnage sera sourd à l’autre personnage /acteur.

J’imagine un lieu dépouillé, où l’univers sonore portera une part du récit.

J’imagine…

Pierre Vincent

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